Un érudit discute de la façon dont nous pouvons apprendre à « vivre avec nous-mêmes »
Lors d’une conférence sur la famille, Kenneth Pargament a déclaré que les luttes morales peuvent être une opportunité.
9 Août 2023 | Silver Spring, Maryland, États-Unis | Marcos Paseggi, Adventist Review
Dans la Bible, le roi David a écrit : « Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur; Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. Annonce-moi l’allégresse et la joie, Et les os que tu as brisés se réjouiront. » (Psaume 51:7, 8, LSG). Lorsque David a écrit ces mots, il vivait une lutte morale, a dit Kenneth Pargament, un érudit renommé dans le domaine de l’intégration de la spiritualité et de la psychothérapie sur le thème des luttes spirituelles, dans sa présentation faite lors de l’édition 2023 de la Conférence Adventiste sur la Recherche et la Pratique dans le domaine Familial. On pourrait dire la même chose de l’apôtre Paul, qui a écrit : « Car je ne sais pas ce que je fais: je ne fais point ce que je veux, et je fais ce que je hais [Rom. 7:15], » a déclaré Kenneth Pargament.
Kenneth Pargament, professeur émérite de psychologie à l’Université de Bowling Green State et professeur au département Menninger de Psychiatrie à la Faculté de Médecine de Baylor, a fait une deuxième présentation lors de la deuxième journée de la conférence. Le programme entièrement en ligne intervenait dans le cadre d’un partenariat entre le Département des Ministères de la Famille de la Conférence Générale de l’Église adventiste (GCFM) et trois entités de l’Université d’Andrews – le Département du Discipulat dans l’Éducation de toute une Vie au Séminaire Théologique Adventiste du septième jour, l’École d’Action Sociale et l’Institut pour la Prévention des Addictions. En 2023, le programme a mis l’accent sur le thème « Familles et Santé Émotionnelle : Espérer, Guérir et Prospérer ! » Le directeur du GCFM, Willie Oliver, a expliqué que l’objectif du programme est de proposer des présentations ayant une base scientifique sur des sujets importants pour la santé mentale de la famille. En même temps, les praticiens adventistes ont été invités à partager des approches théologiques et bibliques liées au thème, a-t-il dit.
Willie Oliver a déclaré qu’il était heureux de faire état de l’immense portée qu’a eu la conférence. « Il y a eu des inscriptions en provenance de 115 pays et de toutes les divisions mondiales [de l’église], » a-t-il dit. « Sur les plus de 2000 personnes qui se sont inscrites, il y avait environ 700 participants présents lors de la conférence ‘en direct’. Les personnes inscrites savaient également qu’elles pourraient accéder aux présentations – plénières et en groupes – sur le site ACFRP.org à tout moment après la conférence, de telle sorte que les personnes se trouvant dans différents fuseaux horaires et n’ayant pas pu accéder à la conférence en direct puissent revenir en arrière et découvrir les présentations. »
Les racines des luttes morales
Dans sa présentation faite le 21 juillet, Kenneth Pargament a commencé par expliquer que les luttes morales sont un type particulier de lutte spirituelle. « Les luttes morales sont ces tensions, ces conflits et ces pressions autour de l’incongruité entre ses propres valeurs ou normes morales, et ses propres actions, » a-t-il déclaré.
Les luttes morales découlent du fait que les humains sont « des êtres moraux motivés à des degrés divers par un ensemble supérieur de valeurs et de principes qui définissent ce que signifie vraiment être une bonne personne, » a expliqué Kenneth Pargament, « et le fait que nous sommes un vivier d’impulsions, d’appétits et d’imperfections qui demandent de l’attention. Notre moi supérieur et notre moi impulsif sont une partie essentielle de qui nous sommes. Sans un sentiment de but supérieur, de nombreuses personnes considéreraient leur vie comme étant vide et dénuée de sens. »
En même temps, a-t-il dit, nous sommes des êtres biologiques « avec des appétits et des pulsions dont il faut tenir compte si nous voulons survivre. Les luttes morales se produisent lorsque des difficultés surviennent lorsqu’on veut réguler l’un ou l’autre ou les deux aspects de nous-mêmes, ou réconcilier les deux aspects. »
Il a donné quelques exemples de luttes morales. « Une épouse, incapable de concilier son implication continue dans une aventure extraconjugale… [et] des professionnels de santé en première ligne du traitement du COVID, qui se sont retrouvés dans une position où ils devaient jouer à Dieu et décider qui pourrait avoir accès à… des ventilateurs qui pourraient potentiellement sauver des vies, » a-t-il déclaré.
Prévalence et conséquences
Les luttes morales sont monnaie courante, a déclaré Kenneth Pargament, faisant référence à une étude datant de 2014 qui a révélé que 57,5 pour cent des adultes ont déclaré avoir connu une lutte morale au cours des dernières semaines. Parmi les vétérans militaires, les luttes morales sont les plus courantes de toutes les luttes spirituelles, a-t-il ajouté. Et les deux tiers des étudiants qui regardent de la pornographie en ligne indiquent des signes de lutte morale.
« Les luttes morales soulèvent des questions profondément troublantes telles que : ‘Suis-je une bonne personne ? Suis-je à la hauteur de ce qu’on m’a appris à être ? Puis-je encore être aimé ? Puis-je être pardonné ? Ai-je la force de maîtriser mes impulsions ?’, » a déclaré Kenneth Pargament. « Et les luttes morales sont ancrées dans les problèmes psychologiques. Par exemple, l’anxiété comme peur de l’échec moral ; la dépression avec la marque de la honte et de la culpabilité ; les violations morales comme déclencheurs de conflits conjugaux, » entre autres.
Dans de nombreux cas, les conséquences des luttes morales persistantes sont la dépression, les idées suicidaires, l’anxiété, les troubles obsessionnels compulsifs, l’alcoolisme et d’autres addictions, et le désir de vengeance, a révélé Kenneth Pargament.
Effets bénéfiques potentiels
Les luttes morales, d’un autre côté, peuvent avoir certains effets bénéfiques sur la personne qui les vit. Ceux-ci incluent l’autodiscipline, la prévention des comportements impulsifs, l’introspection et même la transformation de la vie. « Avec de l’aide, elles peuvent ouvrir la voie à des effets bénéfiques et à une croissance, » a dit Kenneth Pargament.
Il a ajouté que, parfois, le manque de luttes morales peut être un problème, et un praticien de la santé mentale doit parfois déclencher cette lutte chez une personne pour l’aider à désirer un changement.
Les racines de la lutte morale sont souvent ce que Kenneth Pargament a défini comme « le surcontrôle moral – le fait d’être asservi par votre moralité – et le sous-contrôle des impulsions – le fait d’être esclave de vos impulsions. » Ces deux éléments peuvent alimenter des luttes morales, a-t-il déclaré.
Faire face aux luttes morales
Les praticiens de la santé mentale peuvent aider les personnes aux prises avec un surcontrôle moral de différentes manières. L’une d’entre elles consiste à créer une vision morale durable qui accepte la fragilité et les limites humaines. Dans le livre La Spiritualité de l’Imperfection d’Ernest Kurtz et Katherine Ketcham (1992), les auteurs suggèrent que « la spiritualité nous aide à… accepter l’imperfection qui est au cœur même de notre être humain. » (p. 2)
Les praticiens de la santé mentale peuvent également aider leurs patients à faire face à leurs peurs de l’imperfection, y compris la peur d’avoir perdu son objectif, la perte de contrôle et le rejet par les autres. Enfin, Kenneth Pargament a dit, sous forme de conseil, qu’il est important de puiser dans les ressources rédemptrices, ce qui comprend, entre autres, la réalisation d’évaluations plus justes de la responsabilité des erreurs, de la réparation, du repentir et de la rédemption.
Kenneth Pargament a cité une nouvelle fois Kurtz et Ketcham, en disant : « ‘Dieu dans les cieux tient chaque personne par une ficelle. Quand vous péchez, vous coupez la ficelle. Puis Dieu l’attache à nouveau en faisant un nœud – et ce faisant il vous rapproche un peu plus de lui. Encore et encore, vos péchés coupent la ficelle – et à chaque nœud supplémentaire, Dieu continue de vous rapprocher de plus en plus » (p. 29).
Dans ce contexte, un praticien de la santé mentale devrait, entre autres choses, créer un contexte de bienveillance et d’espoir, et aider la personne à identifier une démarche authentique d’effort sacré. Cette dernière inclut le fait de poser à une personne aux prises avec une lutte morale des questions telles que : « Qu’est-ce que vous cherchez à atteindre dans votre vie ? Pourquoi est-il important que vous soyez ici dans ce monde ? Quel héritage aimeriez-vous laisser dans votre vie ? » a dit Kenneth Pargament.
Où trouver la force et la délivrance
Vers la fin de la présentation de Kenneth Pargament, plusieurs participants ont partagé ce qu’ils ont retenu et leurs approches personnelles dans la section de discussion ouverte à tous les participants inscrits. Parmi eux il y avait Willie Oliver et sa femme, Elaine, qui est directrice adjointe du GCFM. « Les luttes morales sont ancrées dans la condition humaine, » a écrit Willie Oliver. « Allons à Jésus pour trouver chaque jour force et délivrance ! Cela s’appelle la sanctification ! »
Elaine Oliver était sur la même longueur d’onde. « Il y a de la puissance dans le nom de Jésus, » a-t-elle écrit. « Même au milieu de nos luttes, nous pouvons nous tourner vers lui. Il nous voit et nous entend. »